Brouillard cupide

Modérateur: yann

Brouillard cupide

Messagepar yann sur Lun 28 Avr 2008 15:04

Le Peuple Breton – mars 2008 Leurre de vérité

Brouillard cupide

Pendant combien de temps encore les activistes de la Finance internationale et leurs féaux empressés vont-ils prendre l’homme de la rue pour un crétin ? Probablement jusqu’à l’effondrement définitif de leur château de sable aux fondations maintes fois rafistolées. Combien de fois déjà nous ont-ils promis la transparence de leurs affaires, décrétées par eux-mêmes trop opaques pour inspirer « la confiance si nécessaire au développement de l’économie de marché ». Promesses envolées à chaque colmatage des brèches destiné à rassurer l’armée des naïfs prompts à prendre la moindre embellie financière pour une lanterne sur la route menant à la prospérité générale. Aujourd’hui que menace une crise sans précédent auprès de laquelle celle de 1929 ne sera rétrospectivement que roupie de sansonnet nous nous apprêtons à revivre la même mascarade.
Il est un fait patent que nul ne peut désormais ignorer : la finance mondialisée tient l’économie réelle dans son étau. Elle la presse telle une baudruche malléable afin d’en tirer l’oxygène lui permettant de se maintenir à flots et dissimuler ainsi l’asphyxie et le naufrage qui la guettent. Du même coup elle étouffe l’économie réelle, celle de la production des biens et des services destinés à satisfaire la diversité des besoins humains, économie réelle chahutée par les délocalisations d’entreprises, les licenciements boursiers, les fermetures brutales, les rachats par les fonds « vautours », etc. Ainsi, le travail, seule véritable source créatrice de richesse, est malaxé au gré des exigences de l’économie financière dérégulée. Une part croissante de salariés aux salaires comptés travaillent chaque jour davantage à l’enrichissement d’actionnaires peu nombreux mais sans cesse plus opulents.
La vampirisation de l’économie réelle – et des corps sociaux dont la vitalité en dépend – est à l’œuvre depuis longtemps. Elle prend aujourd’hui des formes délirantes. L’économie financière – très largement artificielle et dissimulée derrière des montages obscurs – se nourrit chaque jour davantage de l’argent frais coulant du saccage de pans entiers de l’économie productive et des services sociaux patiemment bâtis durant les décennies du compromis salarial de l’après Seconde Guerre mondiale. C’est ainsi qu’aujourd’hui en Allemagne, 6,3 millions de salariés travaillent dans des emplois à 400 euros pour 15 heures par semaine. Au Japon, un tiers des emplois sont précaires. Aux Etats-Unis, le pays du « plein-emploi » selon les économistes libéraux, le nombre de petits boulots est tellement élevé que la durée moyenne du travail, sans prendre en compte les chômeurs, est tombée à 33,7 heures. La précarité partout est installée, et ceux qui ont un emploi stable sont contraints d’accepter la baisse de leur salaire. En France, la part des salaires et cotisations sociales dans la richesse produite chaque année a perdu 11 points par rapport au début des années 1980 que le capital est heureux de récupérer sous diverses formes de rémunérations. En 2006, sur un PIB de 1800 milliards d’euros, cela représente tout de même 200 milliards ! Sachant que les impôts frappent principalement les revenus du travail on mesure là l’ampleur des dégâts. Et l’on ose encore s’étonner que l’Etat ne puisse plus faire face à ses missions et ait des difficultés à financer l’assurance-maladie ou les retraites.
Ces deux dernières années l’offensive des « fonds » s’est encore intensifiée. Les fonds de pension américains rachètent les cliniques privées en France. Des fonds d’investissement d’un nouveau type, les private equities, plus voraces que leurs grands frères, développent leur entreprise de dépeçage du tissu productif du vieux continent. En 2006, ils ont mis la main sur 400 entreprises et en contrôlent désormais plus de 1600 en France (Buffalo Grill, Picard, Afflelou, Dim, les Pages jaunes, etc .). Ils ont l’œil maintenant sur certains géants du CAC 40. Ces grandes manœuvres par lesquelles on rachète des firmes pour les découper et les revendre en tranches avec de très juteuses plus-values sont mal connues du grand public encore bercé par l’illusion de la croissance économique certes modeste mais toujours au rendez-vous. En vérité, cette dernière ne tient plus que par l’extension dramatique de l’endettement privé. Aux Etats-Unis, pays d’où partent les grandes crises, la dette cumulée des ménages, des entreprises et des collectivités (hors secteur financier) dépasse désormais 230 % du PIB. En 1929, lors de la dernière grande crise du capitalisme, ce même ratio n’avait atteint que 140 %. En ajoutant la dette du secteur financier, la dette atteint 340 % du PIB américain. La croissance américaine – mais aussi celle de l’Europe - serait négative depuis plusieurs années si la dette privée n’avait pas explosé pour permettre aux acteurs financiers de surnager en prenant de plus en plus de risques et aux ménages de continuer de consommer.
Dans le brouillard destiné à dissimuler la cupidité mortifère d’une « caste » jouant plus ou moins consciemment contre le devenir des sociétés humaines l’hypocrisie se donne libre cours. C’est ainsi que l’on tente de faire accroire au vulgum pecus qu’un trader peut « jouer » 5 milliards appartenant à la Société Générale sans qu’aucun « responsable » de celle-ci n’y voit goutte. C’est ainsi encore que le gouvernement britannique, jusqu’à nouvel ordre toujours chantre de la libéralisation croissante de l’économie, vient de prendre le contrôle d’une banque ne pouvant plus faire face aux retraits de ses déposants. Il est en effet plus que temps que la puissance publique reprenne en main le navire à la dérive. Il faut sortir la Finance internationale du brouillard qu’elle entretient et réguler sa marche. Ce chantier est immense et ne sera pas conduit sans dommages. Pourtant, ces derniers ne sont rien auprès de ceux que produirait une Finance mondiale demeurée sans boussole.

Yann Fiévet
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