Où est passé le marché ?

Modérateur: yann

Où est passé le marché ?

Messagepar yann sur Dim 28 Sep 2008 20:10

Où est passé le marché ?

Voici déjà trente ans que les gourous de l’économie néolibérale ont commencé de vendre au monde le Marché comme seule solution à tous les maux des hommes. Quel miracle ! Un seul mot pour tous les maux. S’ouvrait alors une longue période où beaucoup de ce que les hommes avaient patiemment bâti dans l’ancien monde désormais périmé fut sacrifié sur l’autel du nouveau Messie. La liste est longue des aspects de la vie humaine et de l’organisation de la Cité considérés comme autant d’obstacles au plein épanouissement du Marché. Tous devaient tomber pour qu’un jour le bonheur inonde l’humanité tout entière. C’est dans le domaine de la finance que la gigantesque et délirante expérience a été conduite le plus loin jusqu’à la subordination sans cesse plus large de l’économie réelle aux logiques purement financières de la « globalisation », l’autre nom du marché dérégulé et planétarisé. Aujourd’hui, tout s’écroule !
Ça va terriblement barder dans les mois qui viennent partout dans le monde. Maintenant, ils disent presque tous qu’il s’agit de la plus grave crise depuis les années 1930, que l’on assiste au début de la fin d’un système, que sur ses décombres il faudra reconstruire, prudemment et intelligemment cette fois. « Ils », ce sont ceux qui hier chantaient les louanges du roi Marché, qui ne s’alarmaient en rien des échafaudages financiers branlants élevés à des hauteurs de plus en plus vertigineuses pour flatter l’adage « plus le risque pris est grand, plus on gagne gros ». Les mêmes continuent d’occuper les antennes de radios, les plateaux de la télé, les colonnes des journaux. Ce sont les mêmes, mais ils chantent une chanson bien plus triste qu’autrefois. Pour garder un doigt de crédibilité ils ne peuvent plus nier ce que le commun des mortels voit désormais sans qu’il ne soit besoin d’orienter son regard. Les mêmes forcément puisqu’ils sont les experts du fonctionnement des marchés, réputation adroitement forgée tout au long de l’imprudente euphorie qu’ils dénoncent aujourd’hui. Toute honte bue, ils entendent bien être aussi les experts de la reconstruction à venir. Et les journalistes de leur demander naïvement comment on en est arrivé là.
Comment ? D’autres observateurs et connaisseurs du système monstrueux, jamais nommés experts, nous le disent depuis au moins vingt ans. Eux disaient que c’était une bien mauvaise idée que celle qui consiste pour la puissance publique en général et les autorités monétaires en particulier de se dessaisir de la plupart des outils d’encadrement et de surveillance des flux monétaires et financiers pour préférer la régulation « naturelle » du Marché pourtant jamais démontrée à grande échelle. Ils disaient aussi depuis longtemps que l’on courait un grand péril à inventer et mettre en circulation des produits financiers toujours plus risqués, gagés sur du sable ou, pire encore, sur du vent. Ils disaient encore que croire dans la possibilité du crédit sans fin serait un jour mortifère, notamment bien sûr pour les plus petites gens. Ils disaient tout cela et on ne les entendait pas. On préférait à leur discours avisé la pléthore de messages affriolants du marketing bancaire omniprésent. On tournait même leurs paroles de sagesse en dérision. Vous êtes des ringards. Vous refusez de voir que le monde change et que dans le nouveau monde que l’on construit personne n’est plus prêt à écouter vos conseils de prudence à la grand-papa. Vous refusez d’accepter qu’en économie il existe des vérités scientifiques contre lesquelles on ne peut aller. On ne s’étonnera donc pas que durant cette longue période de brouillard savamment entretenu aucun journaliste des médias dominants ne coupa la parole à Alain Minc quand il énonçait que l’on ne peut aller à l’encontre de ce que nous disent les marchés. Comment ! les marchés parlent ? Mieux, ils nous parlent à nous les hommes. Enfin, aux hommes qui ont la science infuse d’un Alain Minc. Non, personne n’osait faire œuvre de bon sens face à ces fats aux petits pieds.
Les heureux élus qui entendent les marchés leur parler comme d’autres ont entendu la Vierge ont pu constater avec regret que ces temps-ci ils perdent la boule. Ces chantres de la liberté maximale des marchés demandent maintenant la camisole de force. Il est temps de faire taire les marchés, de leur substituer l’intervention des banques centrales et que la puissance publique organise le sauvetage de la finance mondiale s’il n’est pas trop tard. Le système financier des Etats-Unis ne s’effondre pas totalement grâce à la seule intervention publique. La Réserve fédérale américaine rachète désormais des titres douteux qu’elle sait invendables car personne ne lui rachètera demain. L’essentiel est d’injecter massivement de la monnaie dans l’économie quel qu’en soit le prix dans l’espoir d’enrayer la chute. Et il va en falloir beaucoup de la monnaie tant les réserves en titres « pourris » des banques et fonds d’investissement en tous genres sont colossales. Toutes les brèches ne pourront être colmatées. Ainsi, la banque d’affaires Lehman Brothers a été sacrifiée.
Depuis sa place au paradis, Milton Friedman, génial idéologue du libéralisme économique moderne, contemple avec délectation son œuvre diabolique. Le roi Marché est nu. La détresse toute récente de ses serviteurs fanatiques n’a d’égale que leur ancienne béatitude face à des lois économiques hasardeuses parées pourtant de toutes les vertus. Oui, ils promettent déjà d’être très vertueux dans le nouveau système. Pour plus de sûreté, il serait plus judicieux de les mettre hors d’état de nuire.

Yann Fiévet
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