Le camelot de l’Élysée

Modérateur: yann

Le camelot de l’Élysée

Messagepar yann sur Lun 28 Avr 2008 15:06

Le camelot de l’Élysée

Chaque jour nous en persuade davantage : Nicolas Sarkozy est un homme aux multiples facettes . Au théâtre on le considérerait comme un acteur de composition auquel on peut sans risques proposer tous les emplois. L’avenir nous livrera certainement la pleine étendue du registre scénique de l’acteur politique que dix-neuf millions de ses compatriotes ont plébiscité en mai dernier. Remarqué au début du mois de novembre sur l’esplanade de la criée du Guilvinec dans le rôle du Président capable de répondre, tel un chiffonnier, à l’insulte par l’insulte et le désir d’en découdre d’homme à homme, il travaille depuis d’arrache-pied son nouvel emploi de bonimenteur vantant les mérites de sa riche quincaillerie. Tantôt il va au loin chercher le client, tantôt c’est le client qui vient à lui. Chaque fois cependant il lui faut marchander avec des interlocuteurs âpres en affaires et souvent plus roublards que lui.
Si M. Sarkozy est le Président de tous les Français comme le dit la formule consacrée, il convient de ne pas oublier que certains de ces Français ont des intérêts particuliers à défendre et que ces derniers rejoignent parfois les intérêts supérieurs de la France selon une autre formule non moins consacrée. Dominés par la « finance internationale » qui assèche le Marché mais dont ils profitent par ailleurs et malgré tout, les grands patrons français sont à la recherche de débouchés nouveaux à l’étranger. Beaucoup d’entre eux ont un ami commun opportunément devenu Président de la République. Sans même être sollicité – on n’en attend pas moins d’un ami – le nouveau locataire de l’Élysée a endossé le costume du commis voyageur. Promu premier VRP de France, l’homme a tout de suite été à son aise. Du coup on comprend mieux les raisons de son élection printanière. Combien de citoyens désemparés et fascinés tout à la fois par trente années de politique spectacle n’ont-ils pas reconnu dans ce candidat délicieusement bavard le camelot emphatique qu’ils ont l’habitude d’écouter devant les Galeries Lafayette. Le chaland qui s’attarde et l’électeur qui vote savent apprécier le talent à sa juste mesure. Le bagout du bateleur, sa gouaille et sa bonhomie, sa gestuelle mi-comique mi-pathétique vous en donnent généreusement pour votre argent. On oubliera vite la tromperie sur la marchandise, tromperie découverte de toute façon quand il est trop tard.
M. Sarkozy est aussi devenu le Président de la République d’un pays qui se targue d’être la patrie des Droits de l’Homme et en cela même un phare pour l’Humanité. Pourtant, il va falloir choisir car il ne semble pas possible de tout exporter. La mondialisation économique et financière est si dure qu’il ne faut pas se tromper de priorité. Pourquoi risquer de perdre un marché en taquinant bêtement le gouvernement chinois avec ce foutu respect des libertés fondamentales que l’on n’est pas même sûr de vouloir sauver chez nous ? Écartons donc cela et négocions. Parlons enfin gros sous. Une fois rangée au placard des vieux souvenirs la question qui aurait fâché les Chinois, on en découvre une autre qui fâche les Français. Les Chinois ne veulent pas acheter notre EPR, du moins ils ne sont plus très sûrs de vouloir l’acheter au prix demandé. Ils ont entendu dire que le seul réacteur nucléaire de ce type en construction actuellement en Finlande pose de sérieuses difficultés. Ils entendent dire aussi de la part de certains experts de cette forme d’énergie que cet EPR que la France s’échine à vendre n’est, tout bien pesé, pas si révolutionnaire que son promoteur Areva le proclame. Alors, négocions encore. Allez, c’est d’accord, on vous en construira deux pour le prix d’un. Si, si, ça s’est passé comme ça. Et les Jeux de Pékin seront radieux l’an prochain !
Et puis vint Kadhafi. Là on comprend que rien ne peut désormais interrompre la marche des affaires. Dans la balance du troc infâme de l’été dernier se trouvait sûrement la promesse d’une prochaine invitation officielle à venir en France pour le colonel devenu respectable. Après le « je t’échange ma technologie nucléaire contre tes infirmières bulgares » voilà que l’on offre l’hospitalité de nos palais au dictateur libyen. La France, donc les Français, reçoit en grandes pompes celui qui réussit à obtenir la fourniture d’équipements nucléaires et un certificat de virginité monnayable à l’étranger contre la libération d’infirmières… innocentes. Oui, souvenons-nous en : les infirmières bulgares étaient innocentes du crime imaginaire qui leur était ignominieusement imputé. Quel citoyen digne de ce nom peut-il trouver son compte politique et humain dans l’abjection de ces marchandages honteux ? Aucun. Seuls des individus à la moralité plus que douteuse s’en satisfont ou s’en servent à leur profit.
Pour que nous avalions l’amère pilule sans trop grimacer on nous ressert le sempiternel couplet de l’emploi. Dans une démocratie qui se respecte l’alibi de l’emploi ne peut pas servir à justifier le rapprochement avec la Libye de Kadhafi D’autant plus qu’il existe bien d’autres moyens de créer ou sauver des emplois. Là où il faut de l’imagination et une volonté de changer la marche de l’économie il est préféré le surf sur la vague médiatique et le sauvetage d’une économie à bout de souffle. Le comble du forfait tient en cela : Kadhafi n’a signé aucun contrat ferme, preuve que, pour lui au moins, l’enjeu de sa visite était ailleurs. Non content de ne rien avoir vendu, le camelot est cocu. Il se refera au prochain coup.

Yann Fiévet
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