Nous sommes cupides, ils le seront davantage encore

Modérateur: yann

Nous sommes cupides, ils le seront davantage encore

Messagepar yann sur Lun 28 Avr 2008 15:20

Nous sommes cupides, ils le seront davantage encore

Le Capitalisme a de très beaux jours devant lui. Son ressort principal réside dans l’avidité sans fin des hommes. Avidité pour l’argent et les objets innombrables qu’il permet d’acquérir. On stigmatise souvent les Américains sous ce point de vue. Les Européens sont-ils si différents. Ils seront départagés - c’est certain - dans un avenir proche par les Chinois qui, dans leur « atelier du Monde » concocteront les ingrédients du capitalisme irrépressible et dénué du moindre artifice.
Contrairement à une idée reçue, académiquement ressassée, le Capitalisme n’est plus capable – depuis une trentaine d’années – de créer des richesses nouvelles susceptibles d’améliorer le sort des hommes les plus démunis dont le nombre ne cesse de croître. C’est pour cette raison indépassable qu’il est dès lors condamné à valoriser des richesses existantes jusque-là tenues à distance de l’accaparement par le Marché. Tout doit devenir marchandise – l’École, la Santé, les biens communs telle l’eau, les gènes et les corps, l’identité même des personnes – afin que continue d’être alimenté le moteur d’une machine ne tournant plus que sur elle-même. Elle tourne sur elle-même mais rejette en dehors d’elle tout ce qu’elle ne sait ou ne peut digérer : montagnes d’objets obsolètes dont quelques-uns sont sauvés du naufrage en vue de garnir un jour les vitrines des musées ; nuées de pollutions mortifères et nauséabondes. Partout, la machine crée, par les effets prodigieux de son propre fonctionnement, le désordre potentiel que les hommes ne font jamais que contenir ici pour mieux le laisser embellir ailleurs. Quand la machine sera parfaitement mondialisée, sa puissance sera parfaitement incontrôlable.
Cette valorisation – au sens mercantile du terme – affaiblit, à mesure qu’elle étend sa toile, les valeurs morales que seule une vigilance scrupuleuse permet de renforcer tant leur présence au sein des communautés humaines n’a rien de naturel. Dans l’hypermarché planétaire ouvert au vent de la fièvre consumériste, une valeur prime toutes les autres : l’accumulation matérielle. Nous y cédons tous, tous nous sommes à l’affût de « la bonne affaire ». Certains en usent avec parcimonie ; d’autres en abusent jusqu’au ridicule. Les pauvres n’y échappent pas Seuls les miséreux en sont exclus. Les tours-opérateurs vendent du voyage au kilomètre et à bas prix à des gogos incapables de rêver sur place. Ils n’en reviennent pas tous. Le culte de l’illusion a besoin de rites sacrificiels ; les aventuriers de pacotille doivent apprendre à mesurer le prix de la liberté artificielle qu’ils croient avoir méritée .
En un mot, nous sommes cupides. Une cupidité inlassablement alimentée par l’étonnement que savent susciter les marchands et autres publicitaires. Nous sommes dans un émerveillement perpétuel pour le neuf. Nous aimons le nouveau ; on nous en abreuve jusqu’à plus soif. Peu importe que la plupart du temps le neuf ne soit que de l’ancien habilement rafraîchi. « La surprise des nouvelles nourritures excitait la cupidité des estomacs », écrivait Flaubert. Hélas ! les esprits aussi sont atteints par le funeste penchant. Pour satisfaire l’envie permanente de surprise il faut un flot croissant d’objets au prix décroissant fabriqués par une main d’œuvre abondante et peu coûteuse. Est-ce le fruit du hasard si le pays le plus peuplé de la planète – plus pour très longtemps, l’Inde le dépassera bientôt – s’apprête à devenir l’atelier du Monde et à inonder inexorablement celui-ci de sa production réalisée au mépris total de l’Homme et de son environnement naturel.
La bonne vieille théorie – plus vieille que bonne – de Ricardo sur la spécialisation des nations prend une réalité démentielle. Si les Chinois deviennent les ouvriers du Monde, les Indiens vont devenir les producteurs de services « haut de gamme » pour la planète entière. Ils se forment très vite et très bien. Les « multinationales » américaines délocalisent leurs activités en Inde où elles trouvent des ingénieurs de pointe défiant toute concurrence. Une autre théorie, celle de la force d’inertie des masses, ne peut que nous effrayer. La population cumulée de la Chine et de l’Inde représente 40% de l’humanité. On ne pourra rien contre cette puissance démographique. Cela commence par une pression énorme sur les conditions de travail, les salaires et la protection sociale en Occident. Comment cela finira-t-il ? Dans ce contexte de concurrence internationale exacerbée, les patrons de firmes européennes sont aux abois. Il faut leur faciliter la tâche, leur permettre enfin de s’aligner sur les pratiques qui font le succès des concurrents asiatiques. En France, un homme a enfin compris cela. M. Raffarin sait que notre cupidité est trop timorée ; une cupidité d’enfants de chœur pour dire vrai. Il était plus que temps d’envier celle des Chinois. Quand le grand Hugo écrivait « Quand la Chine s’éveillera, le monde tremblera », il ne se trompait que d’un verbe. Craignons que ce monde ne périsse à tout jamais !

Yann Fiévet
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