La santé, enfin !

Modérateur: yann

La santé, enfin !

Messagepar yann sur Lun 28 Avr 2008 15:21

La santé, enfin !

Que diraient demain les historiens qui analyseront « la réforme de la santé » si les projets actuels des libéraux aboutissaient ? Immanquablement, ils affirmeraient qu’en l’an 2004 il était bien peu question de santé. Ils ne pourraient alors que dénoncer l’incurie des hommes politiques de l’époque, leur incapacité flagrante à appréhender la situation du moment et à y apporter les remèdes adaptés, leur grande faculté à céder aux pressions des instances patronales et à celles des intérêts financiers. Il nous faut, pour empêcher ce constat futur, dire avec force que la réforme annoncée par nos gouvernants est en fait une contre-réforme au regard de la réforme nécessaire au peuple. Bref, c’est quoi la santé ?
Un pays riche n’a aucune excuse à faire valoir contre la nécessité d’assurer à sa population les conditions d’une santé de qualité sans discrimination. Ce principe non discutable impose de bâtir un système de santé cohérent et efficace qui n’existe pas aujourd’hui. En effet, il ne faut pas confondre un « système de santé » organisé pour satisfaire l’exigence de la bonne santé de tous et un « système de soins » subordonné en large part au profit généreux de l’industrie pharmaceutique et des médecins les plus chers. Le premier relève d’une préoccupation collective de solidarité entre les membres de la communauté qu’il couvre totalement. Le second finit fatalement dans l’encouragement de stratégies individualistes désastreuses. Le premier se préoccupe d’abord de la santé quand le second trouve un intérêt à la maladie.
Se préoccuper de la santé des hommes et des femmes c’est éviter la maladie. Une évidence ? Certes ! La situation déficiente actuelle oblige néanmoins à enfoncer des portes ouvertes. Se prémunir contre la maladie suppose le recensement des dangers pour la santé et la lutte contre ces mêmes dangers. Des chercheurs et des médecins, de plus en plus nombreux, s’alarment des menaces graves que les pollutions diverses et l’utilisation croissante de substances chimiques dans le quotidien de chacun de nous font peser sur la santé. En Europe, 3% seulement des trente mille produits chimiques utilisés font l’objet d’études d’impact sanitaire sérieuses. Aucune étude n’est faite en matière d’exposition combinée (deux ou plusieurs substances simultanées). Par conséquent, aucun homme politique sensé ne peut jurer que l’avenir sera totalement dépourvu de scandale de type amiante. Il est grand temps de développer la médecine environnementale. L’Allemagne ou le Luxembourg le font. La France, non. Les blocages n’y sont pas uniquement politiques. Rappelons que l’Académie de Médecine, en 1996, a voté à l’unanimité un rapport minimisant les conséquences de l’exposition à l’amiante de nombreux individus dans le passé. Chaque année, 3 000 de ces victimes meurent de cancers pulmonaires ; on passera à 5 000 avant une quinzaine d’années, certains de ces cancers mettant quarante ans à se déclarer.
Il convient de sortir de cette logique nouvelle – encore un legs du néo-libéralisme – dans laquelle chacun est responsable de sa mauvaise santé et doit ainsi en assumer les conséquences. On accuse le fumeur d’être responsable de son cancer. On n’a peut-être pas totalement tort. Pourtant, un cinquième seulement des décès annuels par cancer sont attribués au tabac. A-t-on jamais mis en accusation les responsables de la mise sur le marché de produits chimiques divers et variés ? Qui est responsable du nombre anormalement élevés de tumeurs cérébrales chez les paysans – et leurs enfants – pulvérisant abondamment de nocives substances chimiques pour protéger leurs cultures ? Il faut substituer à cette logique de la responsabilité sélective et individuelle une logique de responsabilité générale basée sur un socle large de prévention. Il est scandaleux que la prévention ne représente que 2% des dépenses de la Sécurité sociale. Développer les centres de dépistage – les dispensaires servaient à cela autrefois – ne pourrait que favoriser les thérapies légères. Ce n’est évidemment pas en fermant les hôpitaux de proximité comme à Paimpol que l’on atteindra cet objectif.
Une autre question dérangeante, et éminemment importante, est celle de la santé au travail. Des enquêtes fiables ont récemment montré une dégradation des conditions de travail en Europe depuis le début des années 1990. Si le travail est moins pénible physiquement qu’autrefois pour beaucoup de salariés, les contraintes morales augmentent dramatiquement. Pour plusieurs indicateurs relatifs aux conditions de travail, la France se situe dans le peloton de queue des pays européens. Consolons-nous : elle est première pour la productivité du travail ! On reproche à l’envi aux Français leur consommation de tranquillisants. Elle est patente. Mais, au lieu de développer une société de la culpabilité individuelle, pourquoi ne pas établir vraiment le lien entre les désastreuses conditions de travail et la mauvaise santé psychologique des travailleurs ? On ne méprise jamais l’homme sans dommages. Il est temps – là aussi – de réformer la médecine du travail. Pardon, il faut l’inventer. Une médecine indépendante du patronat contrairement à celle d’aujourd’hui qui est dans ses mains suspectes. Seul le lien de subordination actuel explique qu’un infime pourcentage des cancers liés à l’amiante pour des salariés exposés à ce poison à retardement aient été reconnus comme maladies professionnelles. Quand certaines maladies frappent les ouvriers dix fois plus que les cadres, les conditions de travail ne peuvent y être étrangères. Travailler en préservant le plus possible sa santé est un droit.
Alors, ayons le courage politique – oui, la question est politique – de supprimer les Agences Régionales de l’Hospitalisation dont la préoccupation première est de regrouper des sites sanitaires pour fermer ensuite les moins rentables d’entre eux. Créons des Agences Régionales de la Santé au Travail et des Agences Régionales de Médecine Environnementale. Dotons-les des moyens et pouvoirs qu’un pays riche a le devoir de consentir à la santé publique. On attendra guère pour constater que la santé est enfin là.

Yann Fiévet
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