Le problème, c’est le cochon !

Modérateur: yann

Le problème, c’est le cochon !

Messagepar yann sur Lun 28 Avr 2008 15:33

Le problème, c’est le cochon !

« Dans le cochon, tout est bon » aimait à proclamer jadis le bon sens populaire. C’était au temps où existaient encore des paysans. C’était au temps où les plages de Bretagne n’étaient pas encore vertes. C’était au temps où les Bretons ignoraient qu’un jour l’eau ne se consommerait plus qu’en bouteille plastique. Bref, c’était au temps où le cochon ne nous emmerdait pas.
Sont-ils nombreux les voyageurs de passage à connaître l’ampleur de la population porcine bretonne ? Non, sans doute. Voici le chiffre de la malédiction proliférante : il vit sur cette terre millénaire cinq fois plus de cochons que de bretons ! Comment a-t-on pu laisser se répandre une telle engeance ? Il est probable que la relative discrétion de cette foule animalière séquestrée dans de gigantesques porcheries industrielles peut expliquer les réactions minuscules de la société des hommes, au moins jusqu'à une période récente.
C’est peu dire que la gent cochonesque nous emmerde ! C’est une énorme marée noire de lisier qui, quotidiennement, est produite par cette coupable entreprise humaine. Coupable de ne pas avoir mis en œuvre les moyens du traitement de ces pestilentiels déchets dont le volume – piètre arithmétique – croît proportionnellement à la taille des élevages. Coupable d’avoir abandonner toutes les méthodes traditionnelles d’élevage au profit – le mot prend tout son sens pour les plus gros, les meneurs de la Révolution agricole – de la standardisation productiviste synonyme de baisse de qualité. A ce point de la diatribe, il convient d’être juste. Quelques-uns d’entre les hommes ont tenu bon, contre vents et marées, tel André Pochon qui voilà maintenant plus de trente années annonçait sentencieusement : « La Bretagne est mal partie ! » (1) Tellement rares furent les paysans à croire cette prédiction aujourd’hui pleinement réalisée que rien ne put enrayer la marche vers la désastreuse issue.
Soyons juste une seconde fois. Le cochon a bon dos ! C’est évidemment l’ensemble des productions de l’agrobusiness qui est enserrée dans la logique du toujours plus initiée au début des années soixante par l’Europe des six. Depuis peu, après trente cinq ans de PAC (Politique de l’autruche commune), on ose énoncer quelques vérités peu plaisantes à certaines oreilles. Ainsi de la révélation des coûts cachés. Quand on ajoute au prix des produits agricoles achetés par le consommateur le coût des subventions européennes versées par Bruxelles aux producteurs et financées par les impôts du même consommateur, le vrai prix de ce que nous ingurgitons – la qualité est si souvent médiocre ! – est loin d’être bon marché.
Il est bien temps de s’inquiéter. Peut-être n’est-il pas trop tard. Et l’inquiétude de gagner désormais les plus sereins d’hier. Il paraît même que les gros bonnets de la FNSEA balisent. Ils nous jurent, « lisier dans les yeux » (2), qu’ils feront tout à l’avenir pour préserver l’environnement et la qualité de nos aliments. Croyons-les sur parole. N’ont-ils pas créer le FAR (Forum pour une agriculture raisonnée) ? Mais au fait : raisonnée par qui ? En contre-pied de l’incomestibilité de ce FAR, il faudrait très vite ouvrir le BAR (Bureau de l’agriculture raisonnable) où le consommateur enfin acteur responsable de sa consommation aurait vraiment droit de cité.
Et ce sont encore les Hollandais qui vont nous sauver la mise. Ils sont plus forts que les Bretons en matière de cochon. Un groupe d’architectes bataves et futuristes vient d’inventer la tour à cochons. Un bâtiment de six cents mètres de longueur renfermerait sur quarante étages plusieurs dizaines de milliers de porcs qui seraient abattus sur place pour annuler coût et temps de transport. Selon les promoteurs de ce formidable projet, il faudrait à la Hollande soixante-dix sept de ces tours infernales. On est très loin de retrouver les méthodes d’antan. Soyons juste une troisième et dernière fois. L’idée qui semble préside au développement de ce dessein grandiose consiste à récupérer les espaces actuellement occupés par les élevages dispersés pour leur redonner la vie. Voilà enfin l’aveu de la dévastation ! Concentrer davantage encore la production porcine pour sauver la nature ! Il nous faudra beaucoup d’autres leurres de vérité pour méditer les avatars d’une telle prouesse. Le cochon n’est pas à la veille de dire ses derniers maux. Car, à cochon, cochon et demi !

Yann Fiévet
Juin 2001


1 – Un hommage probable à L’Afrique noire est mal partie de René Dumont, une autre prémonition ignorée. On lira avec grand intérêt le dernier livre d’André Pochon, Les sillons de la colère, Éditions Syros, 2001.
2 – Lisier dans les yeux est le titre d’un roman de Franck Resplendi(enquête du célèbre poulpe dans la mafia porcine des Côtes d’Armor). Il s’agit à l’évidence d’une pure fiction (Éditions Baleine, 1999).


Porcheries

Cochon qui s’enlaidit
Cochon qui sang verdit
Cochon qui sans crédit
Cochon qui sent délit
Cochon qui s’en dédit
Y. F.
yann
 
Messages: 357
Inscrit le: Ven 11 Avr 2008 18:39

Retourner vers 2001

Qui est en ligne ?

Utilisateurs parcourant actuellement ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 0 invités

cron