Hold up !

Modérateur: yann

Hold up !

Messagepar yann sur Lun 28 Avr 2008 15:36

Hold up !

Quand les historiens, au siècle prochain, se pencheront sur l’évolution du capitalisme français de la fin du siècle précédent, ils mettront d’abord en évidence l’émergence d’une nouvelle génération de capitalistes devant leur fortune davantage au copinage et aux trucage qu’à un esprit d’entreprise véritable. Ils décortiqueront les ressorts profond de cet art nouveau auquel participent les gouvernements, de gauche comme de droite, devenus incapables de contrôler l’essentiel.

Trucage et copinage, les deux mamelles de l’ascension financière

A l’origine de toute fortune, il y a un crime, écrivait Balzac. Cet homme si avisé de la comédie humaine qu’il auscultait avec tant de talent et de justesse, parlait là des grandes fortunes, celles qui nous occupent ici. Le mot crime ne doit pas être pris dans son sens juridique étroit mais dans le sens plus large des accommodements avec la loi ou la morale. C’est bien ce à quoi nous assistons depuis quinze ans dans le monde étroit – pour ne pas dire étriqué – que constitue le sommet du capitalisme français. Quelques hommes, aujourd’hui fortunés, ont su tisser des liens entre eux et avec les pouvoirs politique et médiatique qui facilitent – et parfois davantage – la construction de leurs empires financiers. Ils se nomment Martin Bouygues, Jean-Marie Messier, Jérôme Seydoux, Claude Bébéar, Vincent Bolloré ou François Pinault. Un club de copains –professionnellement parlant ! – qui se rendent des services mutuels très juteux (1).
:Comment ça marche ? Voilà une question triviale qui mérite pourtant d’être posée, surtout quand on possède le petit soupçon de curiosité nécessaire au citoyen attentif. Par le jeu des participations croisées dans le capital des groupes industriels et financiers qu’ils dirigent, ces hommes siègent tous dans les conseils d’administration des copains. On s’échange des filiales en faisant au préalable grimper par des techniques variées le cours de bourse afin d’engranger des plus-values lors du dénouement de l’opération. On rachète des canards boiteux – souvent boiteux parce que gérés par d’autres aventuriers – ou des dépouilles pour trois fois rien que l’on revend après lifting.
Dans nombre de ces opérations on trouve, depuis quinze ans, le Crédit lyonnais et son gouffre financier renfloué aujourd’hui par le contribuable. Avant que le scandale n’éclate le Crédit lyonnais, première banque française du secteur non coopératif, était le premier banquier de plusieurs de ces groupes industriels dirigés par des sociétés purement financières (holdings). La banque si généreuse leur a dressé à l’époque des ponts d’or. Elle accordait sans compter des crédits pour des opérations qui s’avérèrent par la suite foireuses et qui furent même rachetées par elle pour sauver la mise de ces néocapitalistes à l’appétit démesuré. L’affaire des junk bonds (2) américaines impliquant la société Artémis (groupe Pinault) est un exemple retentissant parmi beaucoup d’autres.
Mais tout ceci est bien fini ! Depuis que le scandale du Lyonnais a éclaté au grand jour on a mis bon ordre dans cet imbroglio d’affaires abracadabrantesques pour reprendre le néologisme récemment forgé par un connaisseur et s’appliquant à d’autres affaires. Eh bien, non ! Cela continue. Le CDR (Consortium de réalisation) créé pour recueillir les actifs douteux du Crédit lyonnais afin qu’ils soient vendus au gré du marché pour renflouer la banque et ainsi alléger la facture du contribuable ne parvient pas à ses fins. Il brade les titres. Et qui les rachète ? Les susnommés !
Le tableau sera totalement dressé quand on aura dit la collusion entre le monde des affaires, la classe politique et les médias. Alain Minc est officiellement conseiller de – entre autres – Vincent Bolloré et François Pinault mais est aussi directeur du Conseil de surveillance du Monde. Nicolas Sarkozy, maire de Neuilly, est conseiller de Martin Bouygues, dont le groupe détient TF1. Des liens que l’on sait faire fructifier chaque fois que la loi du marché ne peut suffire !

Maigrichonnes compensations

Ils sont tous de chauds partisans du libéralisme économique. Ils défendent tous l’idée que la transparence est nécessaire à la bonne marche des affaires et que seule la loi du Marché poussée à son comble permet d’atteindre cette vertu cardinale’. Mais des discours aux actes un infranchissable fossé s’ouvre sous leurs pas. On ne peut compter les fois où ils dérogèrent à la règle proclamée, où ils s’autorisèrent à transgresser la transparence, à influencer la loi du marché. Et on ne peut compter les fois où ils dérogèrent à la règle proclamée, où ils mirent sous le boisseau la transparence.
Qui a souvent entendu parler de la société FPI (Forest Products International) ? Certains la nomment, par dérision, François Pinault International. Il s’agit d’une société au capital trouble située en amont du groupe Pinault-Printemps-La Redoute (PPR) qui lui est connu de tous. La société FPI, autrefois abritée par la branche hollandaise du Crédit lyonnais, est aujourd’hui domiciliée à Curaçao, paradis fiscal des plus transparents comme chacun sait. L’un des actionnaires – ils sont probablement peu nombreux – est François Pinault. Toujours en amont du groupe PPR, on trouve la Financière Pinault, société en commandite par actions appartenant à François Pinault et ses enfants. Le mystère – incompatible semble-t-il avec la transparence – se situ au niveau des relations entre la Financière Pinault et la fameuse FPI. Il paraît que c’est du domaine de la vie privée ! Selon Pierre Loeper, expert désigné par le juge Jean-Pierre Zanotto, le Crédit lyonnais aurait pu être présent massivement dans FPI.
A partir d’août 1992, l’engagement du Crédit lyonnais derrière François Pinault se renforce par l’entrée dans le capital de la Financière Pinault de la société Clinvest (filiale du Crédit lyonnais) pour un milliard de francs. Contrairement aux usages, Clinvest paie à François Pinault une « prime de contrôle », en quelque sorte un droit d’entrée. Quelques années plus tard, quand le Consortium de réalisation, revendra à Pinault la participation de Clinvest on appliquera à la valeur des titres une décote. Dans ce jeu de trocs croisés, Pinault touche dans les deux sens. Un aller-retour coûteux pour le contribuable mais juteux pour lui !
La philosophie de ces magnats de la Finance est claire : les profits doivent être privatisés tandis que les pertes doivent être supportées par la collectivité. Nombreux sont désormais les cas où le CDR au lieu de défendre l’intérêt général des contribuables a joué le jeu des intérêts particuliers de ces chefs d’entreprises qui n’entreprennent plus grand chose.
Pourtant, ils savent être généreux. De Temps en temps ils dédommagent le bon peuple, histoire d’entretenir l’image, de détourner les regards de ce qu’il n’est pas convenable de regarder. François Pinault finance grassement le Stade rennais. Le peuple est content puisque sans cela on ne pourrait rivaliser avec les meilleures équipes de football. Du moins à ce qu’il paraît ! François Pinault – encore ! – va bientôt exposer dans un musée permanent ouvert dans les anciennes usines Renault à Billancourt ses collections d’art contemporain. Soyons iconoclastes et incitons les passionnés de football et les amateurs d’art à aller voir de très près ce que les puissants font de leur argent.
Mais ces puissants ont une colossale excuse. Ils ne peuvent commettre tout cela que grâce à l’impuissance des gouvernants à empêcher les fauves de se repaître sans retenue. Et si le peuple l’avait compris ! Les gouvernants qui gouvernent si peu peuvent bien organiser des référendums sur le quinquennat, les citoyens bien mal considérés savent que les vraies questions sont ailleurs. Quand les coffres se remplissent d’un butin trop facilement gagné les urnes se vident !

Yann FIEVET
Septembre 2000


1) On lira avec un très vif intérêt le livre – trop peu salué par la presse – de Fabrizio Calvi et Thierry Pfister, Le repas des fauves, Albin Michel, 2000.
2) Obligations pourries.
yann
 
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