Arrogance et mensonges

Modérateur: yann

Arrogance et mensonges

Messagepar yann sur Lun 28 Avr 2008 15:36

Arrogance et mensonges

Quand l’Égypte et Israël signèrent la paix à la fin des années soixante-dix on savait que la pacification complète du proche Orient prendrait du temps, que le problème palestinien restait entier. Mais on osait croire que les deux décennies à venir suffiraient à régler des questions exacerbées depuis 1948. Ces vingt années se sont écoulées laissant intacte la question du retour des Palestiniens sur leur terre. Pire, Israël est aujourd’hui menacée par la guerre civile entre juifs et Arabes israéliens.

Funeste perte de crédit

L’histoire des vingt-cinq dernières années est celle de la perte de crédit d’Israël auprès de larges pans des opinions publiques occidentales. Ce petit pays de six millions d’habitants, grandi par la forte symbolique de son origine, a vécu durant plusieurs décennies sur l’aura légitime que confère à un peuple encerclé d’autres peuples plus hostiles les uns que les autres la maîtrise sans failles de sa souveraineté. La Guerre des Six Jours en 1967 et celle de Kippour en 1973 contribuèrent beaucoup à asseoir ce capital de sympathie. Mais, depuis ces évènements marquants, d’autres évènements tout aussi importants bien que moins spectaculaires ont redéfinis le contexte politique de la région. Deux traités de paix entre Israël et deux de ses voisins, l’Égypte puis la Jordanie, ont affaibli la portée du concept de l’encerclement et de la nécessité d’y faire face à n’importe quel prix. Progressivement, l’idée que la plupart des pays arabes ne tenaient plus à faire la guerre et finiraient par signer la paix fit son chemin en dévoilant sans cesse davantage le seul véritable problème non résolu : le droit du peuple palestinien symbolisé par la reconnaissance d’un État à côté de celui d’Israël.
Avec la signature des accords d’Oslo en 1992, le problème connut sur le papier un début de résolution. On ne parlait pas d’État palestinien, on se gardait bien d’envisager le statut de Jérusalem mais on programmait le retrait des Israéliens des territoires occupés car conquis par la guerre : Gaza et Cisjordanie. Et c’est là que commence l’arrogance et les mensonges grignotant chaque jour un peu plus le crédit chèrement et fièrement acquis.
Dès lors, la stratégie d’Israël, au-delà des discours lénifiants, est de faire traîner en longueur le processus menant vers la paix tout en poursuivant les implantations juives dans les territoires occupés (50 000 nouveaux colons depuis 1993) afin de rendre impossible une véritable restitution le jour venu. Le rideau de fumée est tellement efficace que l’on a réussi à persuader les opinions publiques que c’est la droite israélienne qui est responsable du renforcement de la colonisation alors que depuis Oslo les travaillistes sont à l’origine d’un nombre d’implantations illégales au moins aussi important que celui du au Likoud. C’est une arme de plus contre les Palestiniens dans le chantage devenu quotidien : si vous n’êtes pas gentils, vous aurez la droite. Chantage dont seule la communauté internationale peut se rendre dupe. Car sur le terrain…
Que révèle-t-il le terrain ? Un million de personnes vivent sur les 350 km2 de la bande de Gaza. Des routes stratégiques, protégées par des barbelés sillonnent en tous sens les territoires occupés pour joindre les poches de colons plus ou moins importantes truffant l’espace déjà exigu. Sur cette terre en lambeaux et sous tutelle, une économie exsangue tente de produire quelques fruits pour une population très jeune qui ne peut qu’être gagnée par l’impatience. Et on a l’outrecuidance de crier au loup ! Ces gens n’ont que des pierres et quelques fusils quand en face se dressent chars, hélicoptères et armements légers variés et sophistiqués, enfin bref… la quatrième armée du monde ! Et l’on a la malhonnêteté de reprocher à Yasser Arafat de ne pas maintenir l’ordre « chez lui » comme le ferait un chef d’État alors que l’on ne veut surtout pas lui donner la possibilité d’acquérir cette qualité !

Lieux saints, lieux malsains

Toute situation explosive est destinée à exploser un jour. On le savait ! Qui dit le contraire est un menteur ou un irresponsable. Au choix. Il fallait un détonateur. Un autre irresponsable joua ce rôle. En se rendant sur l’esplanade des Mosquées avec la bénédiction d’Ehoud Barak, Ariel Sharon ne pouvait ignorer que son acte était susceptible d’allumer un brasier difficile à éteindre et qui laisserait des traces ineffaçables. En même temps il rappelait toute la dimension religieuse du conflit israélo-palestinien. Quand certains affirment qu’il ne s’agit pas d’une guerre de religion, on est contraint, à tout le moins, de sourire. Si nombreux que soient les Israéliens à souhaiter la paix mais le système démocratique de ce pays est vicié par le verrouillage des petits partis, notamment religieux orthodoxes avec lesquels les grands doivent composer pour constituer une majorité à la Knesset.
Si le statut de Jérusalem nétait pas envisagé lors des accords d’Oslo c’est bien à cause des lieux saints qui s’y trouvent. Cette ville est divisé en quatre quartiers sur une base religieuse : juif, musulman, chrétien, arménien. L’homme a toujours eu le don d’ériger des totems dont il est ensuite prisonnier. Les totems que l’on protège d’autrui n’allant pas sans tabous, on comprend aisément l’impossibilité des hommes à se parler et à s’écouter. Les habitants du quartier ultra-orthodoxe de Mea Shearim pourront-ils jamais côtoyer les partisans de l’islamisme palestinien ? On sait la réponse. Doit-on rêver à nouveau d’un statut international pour Jérusalem comme cela était envisagé en 1947 avec le corpus separatum ? Cela ils n’en veulent pas. On n’est pas près de sortir du guêpier !
Les répercussions mondiales de ce conflit géographiquement localisé dans un minuscule périmètre sont surdimensionnées. Aucun conflit touchant directement dix millions de personnes n’a jamais vu une telle débauche d’énergie diplomatique, médiatique et idéologique. Pendant ce temps-là d’autres guerres sont superbement ignorées ou vite réglées. Le gendarme du monde ne veille pas au grain partout avec la même vigilance ! Parfois, il s’assoupit pendant son tour de garde !
Au fond, la vraie question qui se pose est la suivante : a-t-on vraiment le droit d’être antisioniste ? Probablement, non. Immédiatement, on est soupçonné d’antisémitisme larvé qui n’attendrait que le premier prétexte pour se donner libre cours. Qui n’est pas d’accord avec la politique d’Israël est contre les juifs, et partout dans le monde puisqu’il semble qu’Israël parle et agit au nom de tous les juifs passés, présents et à venir. C’est bien cela qui a motivé les nombreux signataires du texte « En tant que juifs » (1) : « Ainsi, le chantage à la solidarité communautaire, servant à légitimer la politique d’union sacrée des gouvernants israéliens, nous est-il intolérable. » Fort heureusement, tous les hommes et toutes les femmes de confession juive ne se sentent pas humiliés quand le président de la République – laïque, rappelons-le – se permet une critique, somme toute mesurée, de la dérive actuelle de l’État hébreu.
Formons un vœu pieu : la paix viendra quand deux états laïcs sauront vivre l’un à côté de l’autre et quand les croyants auront compris que la politique est trop sérieuse pour se mêler de religion. C’est pas pour demain matin !

Yann Fiévet
Octobre 2000


1 – Le Monde, mercredi 18 octobre 2000.
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