Rencontre avec Emilie Le Saulnier

Modérateur: yann

Rencontre avec Emilie Le Saulnier

Messagepar yann sur Sam 16 Juil 2011 00:08

http://bellaciao.org/fr/spip.php?article117832


Rencontre avec Émilie Le Saulnier, 30 ans, assistante depuis six ans de
Yann Fiévet, mal voyant, professeur de sciences économiques et sociales au lycée
Jean-Jacques Rousseau de Sarcelles. Le contrat de la jeune femme arrive à échéance en
fin d’année scolaire et il n’est pas question pour le rectorat de le renouveler. Sous peine de créer un emploi...


Comment devient-on assistante de professeur handicapé ?

Après mon Bac, j’ai occupé un poste de pionne dans un collège pour financer mes études, comme nombre
d’étudiants. Après deux années en Lettres modernes, j’ai rencontré un de mes ancien prof de philo qui m’a dit qu’un professeur mal voyant cherchait une
assistante. C’était en septembre 2005.
Il ne s’agissait au départ que d’un mi-temps. Mais très vite le mi-temps est devenu un temps plein. Je balançais entre enseignement et aide aux handicapés et ce poste correspondait pleinement à mes attentes. Je me suis très vite bien senti dans ce métier.


Quel est votre rôle ?

J’assure, avec le professeur, la gestion et l’animation de classe. Il utilise beaucoup l’informatique, ses cours sont projetés sur écran à l’aide d’un rétroprojecteur,
je le dégage de tout ce qui est matériel.
Je lui assure la lecture de ses copies et l’assiste dans les corrections ainsi que dans la préparation des cours. J’ai appris l’économie avec lui.
J’exerce un métier qui me permet d’apprendre tous les jours. Autant sur le plan humain que sur le plan culturel. Je fais aussi beaucoup de recherche documentaire.
J’interviens vis à vis des élèves en matière de discipline aussi mais c’est lui qui a l’autorité et c’est à lui que reviennent toujours les décisions à prendre.


Vous employez beaucoup le mot métier ?

J’y tiens. C’est un véritable métier, un très beau métier, même s’il est précaire... Je suis payée au SMIC alors que cela fait plus de dix ans que je travaille
_ pour l’Éducation Nationale, pionnicat compris. Du coup, à trente ans, j’habite toujours chez mes parents.
L’administration considère ces postes comme des jobs d’étudiants mais à 35 h par semaine, avec du travail à la maison, les étudiants ne peuvent pas suivre.
Un de mes amis en 3éme année de Lettres, assistant d’une prof de philo mal voyante, a fini par mettre ses études de coté. C’était intenable.
Il en est de même pour les assistants d’élèves handicapés qui doivent assurer un minimum de 30h par semaine et ne peuvent suivre avec efficacité leurs propres
études. Beaucoup abandonnent.


Seriez-vous prête à continuer ?

Oui bien sûr. Malgré le contexte. Malgré l’absence de reconnaissance.
Au bout de 5 ans, j’ai été convoquée pour une unique journée de formation. En fait, le rectorat voulait savoir ce que nous faisons, comment ça se passe
sur le terrain, comment nous avons été recrutés... Ils ne savent rien de nous.
Nous n’avons aucun statut. Notre travail n’est pas reconnu. La validation de nos acquis est sanctionnée par un diplôme de moniteur éducateur, du niveau
de la 3éme, donnant le droit de travailler... dans des centres aérés.
On a proposé à d’autres une équivalence avec un CAP petite enfance bien qu’ils n’aient jamais travaillé avec des petits !
L’administration nous méprise. On n’existe pas pour l’Éducation Nationale. Mais nous on sait qu’on sert à quelque chose.
Si mon contrat était renouvelé, je resterais dans la précarité mais je ferais au moins le métier que j’aime...

propos recueillis par Christian Jacquiau , mai 2011

NOTA : voir : « Moi, Yann Fiévet, qui ne peux plus enseigner sans assistante »
http://www.christian-jacquiau.fr/re...
yann
 
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