Page 1 sur 1

Nous y courons !

MessagePublié: Lun 12 Mai 2014 11:04
par yann
Nous y courons !


La tragédie se noue, inexorable. L’entêtement à poursuivre la désastreuse cure d’austérité va précipiter la France vers l’avènement d’un régime politique fort. L’issue fatale pourrait survenir dès 2017. Le peuple n’aurait pas compris où veulent le mener ses dirigeants actuels. Ils vont lui expliquer plus fermement, par des coupes toujours plus claires dans les budgets sociaux, des allègements de « charges pesant sur les entreprises» plus conséquents qu’ils ne le sont déjà, le soutien inconditionnel au « monde bancaire » qui reste le nerf de la guerre économique à laquelle l’on est bien obligé de participer pour qu’un jour les lendemains du peuple chantent enfin. Pour mener à bien ce considérable chantier il fallait un pédagogue en chef, un homme providentiel capable d’inverser la courbe du mécontentement puisque l’inversion de celle du chômage n’est plus qu’un pâle souvenir. Cet homme existait. Il était tapi dans l’ombre timide de son prédécesseur dont la mollesse proclamée serait la cause de la fronde populaire. Manuel Valls nous était donc promis dès lors que nous savions inébranlable la ligne politique poursuivie depuis longtemps. La pente descendante ne pourra donc que s’accentuer. Il faut néanmoins mesurer les ressorts profonds de cette descente vers l’enfer pavé des bonnes intentions d’un « front bleu marine ».

Hélas, la Finance est devenue notre horizon indépassable. Et il en sera ainsi tant que nous ne déciderons pas qu’une autre vie en société est possible, non systématiquement subordonnée à l’impératif de la performance financière. Cette subordination aveugle est une barbarie au service des possédants : elle libère le potentiel des inégalités mortifères et opprime alors une fraction croissante de la population. A-t-on entendu ces derniers temps quelque chose d’aussi cocasse que l’annonce de la fin de la crise grecque ? Qu’est-ce qui autorise cette affirmation péremptoire reprise servilement par nombre de médias… de masse ? La baisse du taux de chômage de ce peuple honni pour son inconséquence légendaire ? Non, il est de plus de 26% , record européen ! La baisse du nombre hebdomadaire de suicides ? Non, le geste définitif continue d’occuper dramatiquement l’esprit de bon nombre d’hommes et de femmes désespérés par leur vie désormais sans issue. La bonne nouvelle, la nouvelle formidable qui enthousiasme les observateurs patentés est la réouverture de la Bourse d’Athènes ! Cet évènement cardinal rassure les marchés qui étaient très inquiets depuis trop longtemps et remet – on en est sûr – la Grèce sur le bon chemin. Le chemin de quoi, vers quoi, pour qui ? Ces questions semblent inutiles. L’indifférence aux souffrances d’un peuple culmine ici à son comble. Les Portugais ou les Espagnols ne sont guère mieux lotis. Et notre tourarrive maintenant !

Pot de terre contre pot de fer : le pacte de solidarité ne pèsera rien contre le pacte de responsabilité. Le premier est une vague promesse faite par le Président de la République au lendemain de la déroute des élections municipales pour le PS. Il ne trouva du reste aucune concrétisation dans le discours de politique générale prononcé le 8 avril dernier au Palais Bourbon par le tout nouveau Premier Ministre. Le second pacte, en revanche, accordera bientôt de nouvelles largesses au patronat en matière fiscale et sociale sans aucune garantie que celui-ci modifie d’un pouce ses stratégies de confiscation de la richesse. La domination du capital sur le travail ne sera en rien modifiée. Au contraire, elle va être renforcée. La protection sociale, notamment la couverture maladie, des citoyens les plus modestes sera un peu plus écornée. Le chômage ne baissera pas tandis que la précarité de l’emploi progressera comme partout où s’abat la politique d’austérité. Et l’on espère que de prononcer les mot solidarité et responsabilité suffira à apaiser les esprits, à faire reculer le désespoir. Les mots même sont usurpés. N’est-il pas là aussi le comble de la trahison du « peuple de gauche » qui croyait encore un peu au changement ? C’est bel et bien le mot continuité qui triomphe malgré l’alternance des gouvernements depuis 1982. « On a tout essayer contre le chômage », disait l’autre en son temps. Il semble qu’il restait encore une solution dans les réserves de la République bananière tout au service du détricotage du tissu social. Réduire sérieusement le nombre des régions et supprimer les départements allègera les finances publiques et permettra de soutenir plus efficacement les banques. Avait-on besoin de cette preuve ultime de la subordination absolue de la réalité sociale à la loi d’airain de la Finance ?

Venons-en à la basse politique, la meilleure alliée de la domination financière et de l’aggravation des inégalités. Le Président de la République et sa garde rapprochée, toute rassemblée désormais autour de lui dans une sorte d’entreprise de la dernière chance, misent gros sur l’incapacité de l’UMP à résoudre rapidement ses fortes tensions internes, ce qui l’empêchera de se donner un candidat sérieux pour affronter la Présidentielle de 2017. Ainsi, face à une droite restée affaiblie, François Hollande pourrait envisager un second quinquennat , d’autant –élucubration suprême - que la candidate du Front National, susceptible d’être présente au second tour, ne saurait alors remporter la victoire. Le pari politicien serait encore incomplet s’il ne s’agissait pas dans le même temps de souhaiter qu’une fraction non négligeable des déshérités s’abstienne d’aller aux urnes. Ce calcul répugnant déshonore un peu plus ce que l’on a peine à nommer encore la Gauche. Le rêve de rester au pouvoir pourrait faire place au cauchemar de le perdre au profit de l’extrême-droite. Pour conjurer un tel cauchemar il faut nourrir un autre rêve : être au pouvoir pour le mettre d’abord au service des humbles et des valeurs que nécessite ce choc de remémoration.

Et pour que ce rêve-là connaisse un début de réalité il conviendrait de satisfaire un ancien désir de Michel Foucauld : arracher la politique au monopole des gouvernants. Nous n’avons en effet plus guère de temps pour faire enfin la haute politique que réclament les enjeux sociaux et écologiques de notre époque. Courons vite !

Yann Fiévet
Avril 2014



Nous y courons !


La tragédie se noue, inexorable. L’entêtement à poursuivre la désastreuse cure d’austérité va précipiter la France vers l’avènement d’un régime politique fort. L’issue fatale pourrait survenir dès 2017. Le peuple n’aurait pas compris où veulent le mener ses dirigeants actuels. Ils vont lui expliquer plus fermement, par des coupes toujours plus claires dans les budgets sociaux, des allègements de « charges pesant sur les entreprises» plus conséquents qu’ils ne le sont déjà, le soutien inconditionnel au « monde bancaire » qui reste le nerf de la guerre économique à laquelle l’on est bien obligé de participer pour qu’un jour les lendemains du peuple chantent enfin. Pour mener à bien ce considérable chantier il fallait un pédagogue en chef, un homme providentiel capable d’inverser la courbe du mécontentement puisque l’inversion de celle du chômage n’est plus qu’un pâle souvenir. Cet homme existait. Il était tapi dans l’ombre timide de son prédécesseur dont la mollesse proclamée serait la cause de la fronde populaire. Manuel Valls nous était donc promis dès lors que nous savions inébranlable la ligne politique poursuivie depuis longtemps. La pente descendante ne pourra donc que s’accentuer. Il faut néanmoins mesurer les ressorts profonds de cette descente vers l’enfer pavé des bonnes intentions d’un « front bleu marine ».

Hélas, la Finance est devenue notre horizon indépassable. Et il en sera ainsi tant que nous ne déciderons pas qu’une autre vie en société est possible, non systématiquement subordonnée à l’impératif de la performance financière. Cette subordination aveugle est une barbarie au service des possédants : elle libère le potentiel des inégalités mortifères et opprime alors une fraction croissante de la population. A-t-on entendu ces derniers temps quelque chose d’aussi cocasse que l’annonce de la fin de la crise grecque ? Qu’est-ce qui autorise cette affirmation péremptoire reprise servilement par nombre de médias… de masse ? La baisse du taux de chômage de ce peuple honni pour son inconséquence légendaire ? Non, il est de plus de 26% , record européen ! La baisse du nombre hebdomadaire de suicides ? Non, le geste définitif continue d’occuper dramatiquement l’esprit de bon nombre d’hommes et de femmes désespérés par leur vie désormais sans issue. La bonne nouvelle, la nouvelle formidable qui enthousiasme les observateurs patentés est la réouverture de la Bourse d’Athènes ! Cet évènement cardinal rassure les marchés qui étaient très inquiets depuis trop longtemps et remet – on en est sûr – la Grèce sur le bon chemin. Le chemin de quoi, vers quoi, pour qui ? Ces questions semblent inutiles. L’indifférence aux souffrances d’un peuple culmine ici à son comble. Les Portugais ou les Espagnols ne sont guère mieux lotis. Et notre tourarrive maintenant !

Pot de terre contre pot de fer : le pacte de solidarité ne pèsera rien contre le pacte de responsabilité. Le premier est une vague promesse faite par le Président de la République au lendemain de la déroute des élections municipales pour le PS. Il ne trouva du reste aucune concrétisation dans le discours de politique générale prononcé le 8 avril dernier au Palais Bourbon par le tout nouveau Premier Ministre. Le second pacte, en revanche, accordera bientôt de nouvelles largesses au patronat en matière fiscale et sociale sans aucune garantie que celui-ci modifie d’un pouce ses stratégies de confiscation de la richesse. La domination du capital sur le travail ne sera en rien modifiée. Au contraire, elle va être renforcée. La protection sociale, notamment la couverture maladie, des citoyens les plus modestes sera un peu plus écornée. Le chômage ne baissera pas tandis que la précarité de l’emploi progressera comme partout où s’abat la politique d’austérité. Et l’on espère que de prononcer les mot solidarité et responsabilité suffira à apaiser les esprits, à faire reculer le désespoir. Les mots même sont usurpés. N’est-il pas là aussi le comble de la trahison du « peuple de gauche » qui croyait encore un peu au changement ? C’est bel et bien le mot continuité qui triomphe malgré l’alternance des gouvernements depuis 1982. « On a tout essayer contre le chômage », disait l’autre en son temps. Il semble qu’il restait encore une solution dans les réserves de la République bananière tout au service du détricotage du tissu social. Réduire sérieusement le nombre des régions et supprimer les départements allègera les finances publiques et permettra de soutenir plus efficacement les banques. Avait-on besoin de cette preuve ultime de la subordination absolue de la réalité sociale à la loi d’airain de la Finance ?

Venons-en à la basse politique, la meilleure alliée de la domination financière et de l’aggravation des inégalités. Le Président de la République et sa garde rapprochée, toute rassemblée désormais autour de lui dans une sorte d’entreprise de la dernière chance, misent gros sur l’incapacité de l’UMP à résoudre rapidement ses fortes tensions internes, ce qui l’empêchera de se donner un candidat sérieux pour affronter la Présidentielle de 2017. Ainsi, face à une droite restée affaiblie, François Hollande pourrait envisager un second quinquennat , d’autant –élucubration suprême - que la candidate du Front National, susceptible d’être présente au second tour, ne saurait alors remporter la victoire. Le pari politicien serait encore incomplet s’il ne s’agissait pas dans le même temps de souhaiter qu’une fraction non négligeable des déshérités s’abstienne d’aller aux urnes. Ce calcul répugnant déshonore un peu plus ce que l’on a peine à nommer encore la Gauche. Le rêve de rester au pouvoir pourrait faire place au cauchemar de le perdre au profit de l’extrême-droite. Pour conjurer un tel cauchemar il faut nourrir un autre rêve : être au pouvoir pour le mettre d’abord au service des humbles et des valeurs que nécessite ce choc de remémoration.

Et pour que ce rêve-là connaisse un début de réalité il conviendrait de satisfaire un ancien désir de Michel Foucauld : arracher la politique au monopole des gouvernants. Nous n’avons en effet plus guère de temps pour faire enfin la haute politique que réclament les enjeux sociaux et écologiques de notre époque. Courons vite !

Yann Fiévet
Avril 2014