Régressisme

Modérateur: yann

Régressisme

Messagepar yann sur Jeu 3 Mai 2018 15:56

Régressisme


C’est la rentrée ! Une rentrée qui pourrait être marqué du sceau du réalisme retrouvé. Après une séquence politique de neuf mois totalement délirante, les observateurs honnêtes anesthésiés par la Communication macronienne devraient commencer de se réveiller. Ils s’apercevront alors que ce qu’ils avaient pris, le temps d’une campagne présidentielle, pour un néo-progressisme – hautement (auto)promotionné - n’étair rien d’autre qu’une superbe illusion, que les formes nouvelles du discours du candidat surgi de nulle part ne faisait que cacher un fond prometteur de lendemains qui déchantent. Ils vont très vite découvrir que le macronisme non content de ne pas être un progressisme sera tout au contraire un régressisme débridé. Il est donc temps de faire entrer ce nouveau vocable dans le lexique de la science politique tant il sied déjà comme un gant au nouvel hôte de l’Elysée.

Avec un peu de recul désormais on mesure assez précisément les raisons de l’élection d’Emmanuel Macron. Deux de ces raisons tiennent à un contexte politique des plus favorables. D’abord, les vainqueurs des Primaires des deux grandes formations pourvoyeuses habituellement du candidat élu, UMP/LR et PS , ne parvinrent pas, pour des raisons certes différentes, à attirer à eux le potentiel de suffrages suffisants leur permettant de se hisser au premier tour du scrutin présidentiel. Ensuite, le désarroi d’une part importante du corps électoral a grandement favorisé l’émergence de l’homme « neuf » habilement travesti en sauveur providentiel pour ceux qui avaient encore envie d’y croire. Pourtant, ce qui semble avoir été décisif c’est le formidable « matraquage médiatique pour vendre la marque Macron à l’électorat », pour reprendre les termes du politiste Thomas Guénolé. Entre le 1er avril et le 30 septembre 2016, le candidat d’En marche! a bénéficié de 42% des parts d’audience dans les médias, alors qu’il n’atteignait que 17% sur les réseaux sociaux. Le 21 février 2017, l’hebdomadaire Marianne a mesuré qu’en quatre mois BFM TV avait retransmis 426minutes de discours d’Emmanuel Macron au cours de ses meetings, contre 440 minutes pour ses quatre principaux adversaires réunis. La présence de Bernard Mourad, ancien dirigeant d’Altice Media Group, l’actionnaire de BFM TV, dans l’équipe de campagne du candidat d’En marche ne compte sûrement pas pour rien dans ce notoire déséquilibre ! La propulsion de la fusée Macron au firmament exigeait cependant un carburant définitif. C’est la presse people qui le fournira. En avril 2016, lors du lancement d’En marche !, Paris Match titra à la Une : « Ensemble sur la route du pouvoir. Brigitte et Emmanuel Macron », avec les confidences de madame « en exclusivité ». L’histoire de l’ancienne professeure tombée amoureuse de son élève de vingt ans son cadet constituera dès lors une mine d’or pour les gazettes. Précisons que le couple Macron fut habilement cornaqué par Bestimage, importante agence de photographies de célébrités. Enfin, à partir du début de l’année 2017 la fascination exercé par le prodige gagna la quasi-totalité des médias audiovisuels et de presse écrite. Tout était donc dans l’apparence, du côté obscur de la forme.

C’est maintenant, après les « Cent jours » que le fond surgit en déchirant la forme qui était destinée à le dissimuler le plus longtemps possible. Ainsi, derrière la belle mais éculée formule de « libération des forces de l’économie » se cache bel et bien la destruction programmée du « modèle social français » déjà passablement écorné. Trente-cinq années de néolibéralisme n’ont pas été suffisantes pour satisfaire ce funeste dessein ; il faut poursuivre les efforts pour asservir davantage le travail au capital. Depuis 1983, une trentaine de réformes de flexibilisation du marché du travail se sont pourtant succédées, sans effets notables sur le chômage. Emmanuel Macron prétend que ces réformes n'ont pas été efficaces car elles ne sont pas allées assez loin. Pourtant, il est grandement permis de parier que la nouvelle Loi Travail fera naître plus de problèmes que de solutions aux plans économique et social en France. Rien ne permet d’espérer, par exemple, un partage équitable du travail ou une réduction de la précarité. Le prétendu équilibre à rechercher entre flexibilité du travail et sécurité des salariés restera un marché de dupes : la première se renforcera sans cesse tandis que la seconde ne fera au mieux que patiner. Au-delà de la loi Travail adoptée probablement par ordonnance prochainement – grâce, ajoutons-le, à l’apathie du mouvement social – se profilent deux autres réformes qui doivent inquiéter tous ceux qui rêvent encore un peu de justice sociale. La réforme de l’assurance-chômage va définitivement transformer les victimes du chômage en coupable du retard pris par l’économie française. La réforme de la Sécurité Sociale va poursuivre le dépeçage du « système de protection sociale » issu de la Libération – la vraie – au profit des mastodontes de l’assurance privée. Pour se convaincre de la justesse de ces prédictions il suffit de considérer les meilleurs soutiens d’Emmanuel Macron tout au long de sa fulgurante ascension. On les trouve dans la grande industrie, le grand commerce, la finance. A ce jeu-là le nouveau Président n’a rien à envier à Nicolas Sarkozy, son devancier surnommé en son temps « Président des riches ». Vous avez dit progressisme ?

Cependant, les masques tombent déjà. Le président jupitérien a en effet très tôt chuté de son piédestal : le 11 août dernier, un sondage révélait qu’après seulement trois mois d’exercice de la fonction suprême il ne recueillait plus que 36% d’opinions favorables. Et du côté de ses « vrais partisans » ? Si les nouveaux statuts de la République En Marche ont été adoptés à 90%-, par les adhérents du mouvement, la participation, en revanche, est très décevante: moins d'un tiers des adhérents a voté . C’est probablement le signe que le désarroi des citoyens continue de grandir. Il ne restera plus à Emmanuel Macron qu’à devenir un président autocrate. Il a déjà montré qu’il en avait l’étoffe. Vous avez dit progrès ?


Yann Fiévet
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