Quand Carlos se gavait !

Modérateur: yann

Quand Carlos se gavait !

Messagepar yann sur Mar 28 Mai 2019 18:31

Quand Carlos se gavait !


Le débat ouvert par le mouvement des Gilets Jaunes a de saines vertus. Nous ne parlons pas ici du « grand débat », diversion qui ne trompe que les naïfs patentés, mais du débat intelligent et intelligible auquel participent tous les observateurs honnêtes qui voient dans ledit mouvement la nécessaire occasion de mettre à nu les terribles tensions à l’œuvre dans notre société. Plus personne ne peut désormais ignorer décemment la parole de nos « chers compatriotes » qui jusque-là souffraient dans le silence de leurs difficultés quotidiennes. Il est sûrement encore possible de se moquer de cette parole honorable mais depuis qu’elle s’affiche elle mérite le respect et oblige à changer le regard de chacun. Le vaste débat (ré))ouvert sur les inégalités jette aussi en pleine lumière, à l’autre bout de la société, l’indécente opulence des plus nantis de nos congénères. L’excuse facile selon laquelle il y aurait toujours eu des riches et des pauvres ne convainc plus grand monde. Quand de surcroît les nantis trichent de façon éhontée afin de s’enrichir davantage encore l’écoeurement est à son comble.

N’hésitons plus : le tricheur majuscule se nomme Carlos Ghosn. Tellement majuscule que l’on a grand peine à trouver parmi les anciens soutiens du bonhomme des défenseurs demeurés inconditionnels. On se borne, ici ou là, à rappeler qu’il fut un grand patron ayant fait de l’Alliance Renault-Nissan le premier constructeur automobile du monde. Un grand patron qui était bien sûr rémunéré à la hauteur du mérite que le capitalisme mondialisé et financiarisé sait reconnaître aux performances que l’exploitation exacerbée des forces du travail permet de réaliser. Du reste, à en croire les louanges des fervents admirateurs du boss les grandes firmes seraient peu de chose sans cette sorte d’hommes providentiels hors du commun. Tellement hors du commun qu’ils pensent que tout leur est dû, qu’ils sont intouchables, au-dessus des lois humaines. Bref, une sorte de demi-dieu sur terre s’imaginant ne rien devoir aux hommes mais à qui les hommes doivent tout. A mesure que les enquêtes judiciaires, japonaise et française, progressent, l’on découvre l’ampleur de la face cachée de ce Janus capitaliste. Le dossier est désormais énorme et peut-être encore incomplet quant au nombre d’affaires différentes qu’il pourrait contenir. A l’évidence, l’homme vivait dans un autre monde que le nôtre. Revenu sur terre par obligation légale il crie au complot contre sa personne, clame son innocence, dit que toutes ces accusations n’ont aucun fondement.

Rien n’était donc trop beau pour le faiseur de miracle industriel. Le château de Versailles était même sûrement trop petit pour y loger son «égo démesuré. Il y célébra pourtant son mariage dans une fête grandiose digne d’un autre âge. Il y fêta également l’un de ses anniversaires déguisé en dixième anniversaire de la sainte Alliance. A rio il organisa pour ses nombreux amis un carnaval spécial. L’homme se déplaçant souvent de par le vaste monde, et détestant être à l’étroit, disposait de rien moins que cinq somptueuses résidences situées à Paris, Beyrouth, Rio, aux Pays-Bas et au Japon. Ce train de vie impérial semble avoir été très largement financé par ponction sur les deniers des firmes dirigées, de façon de plus en plus opaque, par le génial patron et par l’intermédiaire de sociétés écrans basées dans des paradis fiscaux. Bien que percevant de très confortables émoluments pour fa miraculeuse mission le presque démiurge réussit à soustraire au fisc une bonne part de ses revenus. Inculpé à plusieurs titres par la justice japonaise, il tenta de négocier auprès de Renault une retraite-chapeau – en sus de sa retraite « normale » déjà confortable – de 750 000 euros annuels versés jusqu’à la fin de ses jours sur terre ! Sans l’éclatement de l’affaire qui porte magistralement son nom le dirigeant autocrate hier encensé jusqu’au ridicule aurait probablement obtenu ce qu’il considère être son dû ad vitam eternam. La mégalomanie de Carlos Ghosn est ainsi sans bornes !

Certes, la justice, tant en France qu’au Japon, démontrera demain que Carlos Ghosn était un patron malhonnête. Cependant, l’essentiiel est ici : il est le produit d’un système, il a su utiliser toutes les ficelles que le capitalisme contemporain et son mode d’administration ultralibéral fournissent aux hommes peu scrupuleux, notamment la grande opacité des relations financières internationales. On lui a permis d’être un patron autocrate, d’annihiler les instances et procédures de contrôle de son pouvoir. On misait tellement sur les compétences supposées de cet homme providentiel qu’on lui donna les pleins pouvoirs. « Le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument », écrivait le philosophe Alain. Le patron tout-puissant M’a pu bâtir sa fortune sans complicité aucune. D’autres que lui ont croqué, au moins de façon indirecte, les fruits juteux des magouilles protégées par le nom de ces firmes prestigieuses, d’autres qui se sont tus pour continuer d’en croquer, d’autres qui ne seront probablement jamais inquiétés. Il y a donc beaucoup d’hypocrisie dans l’affaire. Et notamment en France : parce que la justice du Japon est plus regardante que la nôtre, certains crient au scandale. La morale n’est pas sauve non plus. Il faut hautement rétribuer les grands patrons afin qu’ils soient préservés des risques de malversations tendus par les arcanes de l’économie moderne, dit-on au sein des officines nombreuses du néolibéralisme. Nous savons désormais que cette règle peu scientifique souffre de belles exceptions. Ce n’est jamais au bas de la société que l’on rencontre les plus grands voleurs.


Yann Fiévet
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