L’esbroufe est au pouvoir

Modérateur: yann

L’esbroufe est au pouvoir

Messagepar yann sur Ven 24 Avr 2020 21:19

Il paraît que notre démocratie est malade. Pire, il semble que son mal s’aggrave au fil des ans. La manière par laquelle la réflexion politique s’inscrit dans la vie de la Cité est de plus en plus superficielle, va de moins en moins au fond des questions qui se posent à notre société inquiète à plus d’un titre. Nous savons depuis longtemps déjà que le sommet de la sphère politique a pris la fâcheuse habitude de copier béatement ce qui a cours au sein du monde des grandes entreprises dans le domaine de la Communication. Celle-ci a pris le pas sur l’information et elle gangrène petit-à-petit la réflexion intellectuelle. Pourtant, sous la Présidence d’Emmanuel Macron la dégringolade s’est accélérée. On ne se contente plus seulement de ripoliner les prises de décisions politique afin de les rendre plus acceptables par un peuple que l’on voudrait dévot. On lui raconte des sornettes. Désormais, l’esbroufe est au pouvoir. Et, pour faire bonne mesure, on lui allie une extrême légèreté.

Les occasions où la gonflette communicationnelle étatique s’exprime outrancièrement sont de plus en plus fréquentes à mesure qu’il devient difficiles pour le pouvoir politique de cacher les grosses ficelles de ses véritables dessein. En même temps, les annonces tonitruantes, servilement relayées par les « chiens de garde » bien installés au cœur des médias de masse, ne suffisent plus à dissimuler ni l’insuffisance de l’engagement des ministres au service véritable de l’intérêt général ni les maladresses confirmant leur volonté de poursuivre la mise en oeuvre à marche forcée de l’ordre économique néolibéral. Quel meilleur exemple de ce désastreux visage actuel du politique pourrions-nous trouver que la superbe fuite – en rase campagne ! – d’Agnès Buzyn en route vers d’e nouveaux horizons ? Alors que l’hôpital public est en crise depuis plus d’un an, que le risque d’épidémie du Coronavirus susceptible de toucher la France n’est pas écarté, la Ministre de la Santé n’a rien trouvé de mieux que de déserter ces deux fronts afin de se lancer sur commande dans la course à la conquête de la Mairie de Paris en lieu et place de l’imprudent Benjamin Griveaux. Quelle est donc cette nouvelle conception, désormais extrêmement mouvante, de ce que l’on nommait autrefois le service de l’Etat ? Les larmes de crocodile de la ministre au moment de la « passation de pouvoir » à son successeur à « la Santé » ne saurait effacer le sentiment d’indéniable légèreté que confère au citoyen encore attaché à certaines valeurs cette affaire pour le moins surréaliste et consternante. D’autant que ladite légèreté fut à son comble lorsque la dame tenta de justifier son nouvel engagement : j’aime Paris, d’ailleurs j’y habite !

Les annonces présidentielles et gouvernementales sont volontairement ronflantes, proférées avec un naturel des plus trompeur. Laissons de côté la tromperie majuscule que constitue le projet global de réforme des retraites. Nous l’avons déjà dit ici-même, le chorus officiel en défense de ce projet si mal ficelé et tellement porteur de destruction du « modèle social français » confine désormais au ridicule. Intéressons-nous plutôt à un aspect particulier de cette réforme. Le champion en matière de profération de fausses évidences est incontestablement Jean-Michel Blanquer. Comme les enseignants seraient parmi les grands perdants de l’instauration de la « retraite à points » le Ministre de l’Education Nationale s’est lancé dans l’annonce de promesses mirobolantes en matière de revalorisation du traitement desdits enseignants qui sont, qui plus est, parmi les moins bien payés de l’Union Européenne. On s’aperçut bien vite que les chiffres mis sur la table seraient très éloignés de ce qui pourrait être considéré comme une compensation sérieuse par les intéressés. Qu’à cela ne tienne, ne pouvant pas gonfler l’enveloppe de la revalorisation car Bercy veille au grain, le soldat Blanquer emboucha la trompette de la communication bon marché : ce que je propose aux enseignants « ne sera pas des clopinettes ». Le terme choisi est, probablement à l’insu du plein gré du ministre, un aveu de faiblesse, mais qui le voit vraiment ainsi quand toute une société est sous l’emprise du marketing politique ?

Le citoyen un peu attentif n’est sûrement pas complètement dupe de ce qui se cache derrière la baudruche si souvent gonflée à bloc. Car, des couacs se produisent dans la machine à duper finalement pas si bien huilée qu’il y paraît. Un épisode récent n’a pas échappé à tout le monde. A la mi-février, Emmanuel Macron et plusieurs ministres avaient mis les petits plats dans les grands à l’occasion de la Journée du handicap. Les médias avaient tous été conviés à venir entendre les annonces décisives qui devraient permettre à la France de combler rapidement le retard pris en la matière depuis l’adoption de la loi de… 2005. Les journalistes repartirent avec un solide dossier leur permettant de rendre rapidement compte du nouveau plan de bataille contre les diverses formes de handicap. Le couac annoncé, au sujet duquel les médias furent moins bavards, intervint à peine quarante-huit heures après le show présidentiel. Au Palais Bourbon, les députés eurent à se prononcer sur la proposition de loi 2550 par laquelle l’un des leurs souhaitait modifier les règles d’attribution de l’Allocation aux Adultes Handicapés (AAH) afin que celle-ci ne dépende plus du revenu du conjoint de la personne handicapée mais uniquement de sa situation de handicap. Le Gouvernement était hostile à l’adoption de cette proposition de loi. Seulement voilà : seuls trente-cinq députés de la République En Marche se trouvaient dans l’hémicycle au moment du vote et quatre d’entre eux dirent bravement oui à ce texte marquant une indéniable avancée sociale contre l’avis gouvernemental, texte qui fut ainsi adopté. Ces quatre courageux venaient de se souvenir que quelques jours plus tôt le Président leur avait reproché leur manque d’humanité lors du vote d’un amendement portant prolongation du congé parental consécutif au décès d’un enfant. Faut-il commenter ce nouvel avatar du désastre politique contemporain ?

Une seule question se pose désormais : pendant combien de temps la société civile va-t-elle supporter la décrépitude avancée du politique ? Il semble que de sombres lendemains nous attendent. Il nous appartient de démentir au plus vite cette funeste prédiction.


Yann Fiévet
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