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La montée des extrêmes

MessagePublié: Jeu 8 Juil 2021 12:08
par yann
La montée des extrêmes


L’un des « riches » enseignements que nous livrera le bilan de la pandémie nommée Covid 19 quand nous en aurons terminé avec elle – ce qui ne semble pas promis pour demain matin – sera la formidable aggravation des inégalités socio-économiques dans la plupart des sociétés que compte notre planète. C’est bien sûr ce qui survient toujours lors des grandes catastrophes, les nantis étant mieux armés pour y faire face tandis que les démunis les subissent de plein fouet. Les conséquences inégales de l’actuelle pandémie vont cependant d’ores-et-déjà très au-delà de ce qu’il était possible d’imaginer. C’est peu dire que les riches s’y enrichissent largement quand les pauvres s’y appauvrissent encore. C’est que durant la grande crise sanitaire les affaires – commerciales et surtout financières - et leurs effets délétères sont allègrement poursuivis.

Un bref survol du panorama de l’extrême richesse – publié début avril par le magazine Forbes - permet de mesurer les dégâts alors même que la crise n’a pas encore livré toutes ses surprises. Entre mars 2020 et mars 2021, la bonne fortune des milliardaires a battu tous les records : la fortune des vingt individus les plus riches de la planète a augmenté de 62 % tandis que celle des milliardaires français augmentait de 170 milliards d’euros, soit une hausse moyenne de 40%. Parmi les trente-huit milliardaires que la France comptait en mars 2020, seulement quatre ont vu leur fortune légèrement baisser pendant la période considérée. La France compte désormais quatre milliardaires de plus, dont le fondateur du laboratoire Moderna. la fortune de Bernard Arnault (propriétaire de LVMH et troisième fortune mondiale) a presque doublé en un an, soit une hausse de 62 milliards d’euros. La fortune de Françoise Meyer-Bettencourt (héritière de L’Oréal et femme la plus riche du monde) a augmenté de 20,7 milliards d’euros. Voilà pour les ultra-riches. Les riches plus ordinaires s’en sortent sûrement pas mal non plus ! A l’autre extrémité du spectre de la richesse si mal distribuée le sort des « précaires » - que l’ultra-libéralisme de la dernière décennie n’a cessé de produire - va sortir plus dégradé de la pandémie. En France, ces millions de gens bénéficient peu des mesures de l’Etat mises en place pour maintenir à flots une économie incertaine ; nombre d’entre eux passent déjà de la pauvreté à la misère. Le nombre de nos congénères vivant sous le seuil de pauvreté va sans nul doute nettement augmenter.

Si nous faisions collectivement preuve d’intelligence – non artificielle – nous profiterions de l’occasion que nous offre la pandémie : les heureux profiteurs de la manne providentielle se devraient alors de payer en partie substantielle les dégâts subis par la part la moins favorisée de notre population. Quand le secrétaire général de l’ONU, le FMI, Joe Biden et même la banque d’affaire JP Morgan appellent à une taxation des ultra-riches et des multinationales pour répondre à la crise, le gouvernement français s’entête à vouloir préserver « quoi qu’il en coûte » les plus fortunés. Au nom d’une « saine gestion indispensable » il annonce déjà un plan d’austérité de 10 ans, voire plus, c’est-à-dire une austérité perpétuelle, justifiant ainsi l’achèvement de la destruction de toute action publique véritable. Emmanuel Macron choisit donc de faire les poches des allocataires du chômage ou des retraités les plus modestes par une énième cure d’austérité qui se traduira immanquablement par un nouvel appauvrissement de la majorité de la population.

En fait, notre pays ne fait pas exception. « Bon nombre de démocraties ont laissé, depuis plusieurs décennies, les inégalités socio-économiques se creuser et se sont orientées vers des débats portant sur l’immigration, l’identité nationale ou l’intégration. Dans ce basculement, les sociétés se droitisent – quand elles ne se tribalisent pas – et l’on fait mine de croire que les affrontements de classes n’existent plus. L’idée selon laquelle les classes populaires qui se rendent encore dans les urnes y déposeraient un bulletin allant à l’encontre de leurs intérêts est ainsi largement attribuable à la marginalisation des déterminants socio-économiques au profit d’affrontements sur les valeurs, de guerres culturelles ou de la sur-mobilisation d’identités raciales ou ethniques. A ce jeu de dupes mortifère ce sont d’autres extrêmes que l’on nourrit : dans l’arêne politique la surenchère sur « les valeurs » fait partout le lit des extrêmes-droites. Depuis plus de quatre ans maintenant Emmanuel Macron joue lui-même cette partition-là. En faisant régulièrement des concessions à la droite extrême et à l’extrême-droite dans l’espoir de les battre en 2022 il ne fait qu’apporter un crédit dangereux à leurs discours de fermeture. La catastrophe alors n’est plus très loin comme le prédisaient certains rares observateurs lorsque Jupiter est entré à l’Elysée en 2017. Comme l’on aimerait être détrompé !


Yann Fiévet
Avril 2021