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Drôle de chambre

MessagePublié: Dim 17 Juil 2022 12:21
par yann
Drôle de chambre !


Le ronron parlementaire du macronisme est terminé ! La vie politique en France va probablement en être bouleversée. A la lumière des résultats du scrutin du second tour des élections législatives du 19 juin dernier Jupiter semble découvrir ces faits avec stupeur. Il était peut-être le seul à croire que les traits officiels de son éminente personnalité – obsessionnellement montés en épingle jusqu’à l’overdose par ses fidèles lieutenants récitant partout où l’on voulait encore les écouter les mêmes éléments de langage – suffiraient pour qu’une majorité absolue miraculeuse sorte des urnes. Dans l’affolement général de son camp il tente de sauver ce qu’il lui reste de meubles, et cela d’étonnante manière, pour ne pas dire délirante. Cependant, il est le premier responsable de la situation dans laquelle le pays est plongé. Enfin, disons-le tout net, cet homme n’est pas réformable. Sa pratique de la démocratie le prouve tous les jours, y compris même entre les deux tours des Législatives.

La Chambre des députés sortie des urnes le 19 juin est presque baroque. Alors que la Proportionnelle n’existe toujours pas en France la composition de la nouvelle Assemblée nationale nous inciterait à croire le contraire. Deux alliances de circonstance se sont nettement détachées à l’issue du scrutin : Ensemble d’abord à qui il manque 45 sièges pour atteindre la majorité absolue dont rêvait Emmanuel Macron, la NUPES ensuite, mais très loin des espoirs que les résultats du premier tour avaient laissé entrevoir. Ces deux alliances résisteront-elles au feu des débats qui ne manquera pas de s’intensifier au fil des prochains mois dans l’hémicycle ? Deux formations semblent a priori plus homogènes : le Rassemblement National et Les Républicains. Cette dernière formation est en fait divisée quant à l’attitude à adopter face à la politique que proposera le chef de l’Etat : opposition véritable ou accommodement relatif. Avec ses 90 députés tous bien rangés derrière elle Marine Le Pen est sans doute la grande gagnante de ce scrutin. Le drame pourrait commencer là ! Au sein d’une Assemblée aussi fragmentée le chahut semble d’ores-et-déjà garanti. Nombre de commentateurs vont plus loin encore en annonçant carrément le chaos parlementaire qui se profile. Pourtant, une remise en perspective historique montre que les institutions de la Ve République ont été conçues pour permettre de suppléer à l’absence - pensée à l’origine comme quasiment structurelle - d’une véritable majorité de gouvernement. Les Législatives de 2022 ne signent donc probablement ni la fin de la Ve République ni l’avènement d’une nouvelle République. Le « camp présidentiel » va cependant devoir sacrément changer de posture générale. On touche alors à la faiblesse congénitale du macronisme : l’incapacité à faire vraiment de la politique.

Le monarque est déboussolé, pour ne pas dire qu’il perd la boule. Quarante-huit heures après la débandade dans laquelle il perdit ses plus fidèles lieutenants, recouvrant ses esprits, il décide de recevoir en audience séparée les chefs de toutes les organisations politiques. Il leur soumet alors l’idée totalement surréaliste de constituer un Gouvernement d’union nationale. Tous refusèrent évidemment ce scénario inattendu. Nous avons affaire ici à une improvisation des plus pathétiques. Il ne s’agit en aucune façon d’évoquer avec les adversaires le contenu de la politique à mener pour commencer de régler les problèmes urgents du pays mais d’imaginer comment les associer à la crise politique qu’il a lui-même provoquée par une pratique autocratique du pouvoir durant cinq ans. On peut ajouter la cocasserie au pathétique : entre les deux tours des Législatives Emmanuel Macron avait dramatiquement agité le chiffon rouge tentant ainsi d’effrayer les électeurs qui pourraient très imprudemment voter pour les partis extrémistes « non républicains ». Quelques jours plus tard il entendait pourtant les embarquer dans une aventure commune. Cette tentative saugrenue ayant échoué il somma tous ses adversaires dès le lendemain lors d’une intervention télévisée de dire ce qu’ils proposaient pour le pays, jusqu’où ils étaient prêts à aller. En quelque sorte, faîtes-moi un programme, j’y prendrai ce que bon me semblera. Probablement, comme avec les Cahiers de doléances du « grand débat » consécutifs de la crise des Gilets Jaunes ou du rapport foisonnant issu de la Conférence citoyenne sur le climat. C’est-à-dire rien ou presque rien. Personne n’adhère non plus à cette nouvelle tentative de se soustraire à sa responsabilité. Le souverain en fut sûrement étonné. Bref, on ne se refait pas ! Du moins pas en si peu de temps.

A l’évidence, le Président de la République, réélu largement… par défaut en avril dernier, n’a pas de plan B. Son pan A, élaboré au cours de la campagne de l’élection présidentielle, resté pour le moins flou, évoluant au gré des sondages, n’est pas présentable devant la nouvelle Assemblée où ses mesures phares seraient illico recalées. Auparavant, il faudra qu’Emmanuel Macron ait nommé le premier ou la première ministre – Borne 2 ou Tartempion 1 – qui devra réussir à former un nouveau Gouvernement. Une vraie gageure en ces temps de disette politique ! La gageure vaincue, le nouvel hôte de Matignon ira devant « la représentation nationale » pour prononcer son discours de politique générale. On entend déjà gronder le Palais Bourbon. Les éditorialistes patentés et tous ceux qui les suivent sans barguigner craignent un chahut obstructif. Ils oublient superbement que l’histoire du Parlement nous enseigne que souvent des débats houleux ne compromettaient en rien le travail constructif des assemblées. Ils auraient dû remarqué, au contraire, que sous le premier quinquennat d’Emmanuel Macron les députés ont produit très peu de textes législatifs – beaucoup moins, par exemple, que sous François Hollande – alors même qu’un calme presque olympien régnait la plupart du temps dans l’hémicycle. C’est que les députés macronistes ont peu travaillé, que la quasi-totalité des textes votés par l’assemblée émanait de l’exécutif. Doit-on se plaindre que le pouvoir législatif des députés puisse jouer désormais un plus grand rôle ? Nous avons là une preuve de plus que sous Macron 1 le présidentialisme a atteint des sommets vertigineux. Et, cet homme, un temps perçu comme providentiel, ne sait sûrement pas faire autrement. D’où la panique actuelle à bord du navire jupitérien qui va devoir, de surcroît, affronter un nouvel écueil : trouver en ses rangs un Président de l’Assemblée à la hauteur des enjeux difficiles annoncés.

Concluons en relatant une anecdote tellement significative de la « méthode Macron ». Entre les deux tours des Législatives il a recyclé Jean-Michel Blanquer, fidèle parmi les fidèles, largement battu à Montargis au premier tour, en faisant créer pour lui, de toute pièce et sur mesure, un poste de professeur de Droit au sein de l’université Assas. Et, cela au mépris de toutes les règles en vigueur en matière de nomination des enseignants de l’enseignement supérieur. Qui a dit que la Nation manquait d’argent pour l’Education ? Décidément, Jupiter est indécrottable !


Yann Fiévet
Juin 2022